mercredi, août 18, 2004


Decembre Posted by Hello

Ils y étaient enfin arrivés. Après tant d’années de luttes, il s’était enfin avoué sa véritable nature ; Vincent avait cédé à son instinct.

Déjà, durant sa jeunesse, il avait senti que quelque chose ne correspondait pas dans son esprit avec l’image de jeune garçon « bien comme il faut » qui se dégageait de sa personne.
Il avait pourtant eu des amis, enfin, des gens qui se prétendaient ses amis. Mais il n’était pas dupe et il s’était bien rendu compte qu’ils ne l’entouraient que par intérêt.
A cette époque-là, déjà, ils faisaient tout pour qu’il révèle sa vraie nature mais il avait résiste.
Il était même sorti avec des filles pour voir, pour essayer, pour se soulager …
Non, il le savait, il l’avait sentit, il était différent. Pas cette différence que revendiquent tous les adolescents qui font leur crise tardivement. Non, il se sentait profondément différent de toute cette humanité grouillante, de cette répugnante nature humaine.
Il s’était souvent questionne sur le vain instinct de survie que possédaient ses « camarades ».Il ne comprenait pas pourquoi l’être humain continuait à se reproduire bêtement sans savoir pourquoi, comme une amibe.

A son entrée à l’université, il commença à comprendre son positionnement face à la masse grouillante des mâles libidineux qui composait ses semblables. Carol, une jeune fille qui suivait les cours à ses côtes, s’éprit de son air calme et de sa manière sèche et désagréable de lui répondre, et décida de faire sa conquête. Il l’ignora comme à son habitude avec la gente féminine depuis ses décevantes expériences lycéennes. Mais elle insista, et, jours après jours, elle se montra de plus en plus aguichante et de plus en plus attirée par ce garçon qui lui résistait .
Un soir, elle se présenta à sa chambre d’étudiant, bien décidée à le faire craquer. Il ouvrit la porte, ne bronchant pas à la vue de sa visiteuse nocturne vêtue tout de noir de la jupe à la veste de velours d’oû dépassait un chemisier de soie blanche laissant apparaître la naissance de sa gorge. Il la laissa rentrer, la regardant durement, l’air impatient. Elle lui fit les yeux les plus doux qu’il n’avait jamais vu. Cela ne lui fit rien. Il ferma la porte derriere elle.
Le lendemain, elle n’apparut pas à l’universitee. Elle ne revint que le jour suivant. A la fin du semestre, elle retourna chez ses parents en province. Depuis cette nuit, elle n’adressait plus la parole à Vincent que cela ne traumatisa pas plus que cela.

Ce soir de decembre, donc, Vincent etait assis dans son salon, il repensait aux évènements de la journée. Il repensa à ces gens qui l’avaient bousculé, à ces gens qui avaient étalé leur vulgarité devant son nez. Cette gamine trop maquillée qui lui avait ouvertement fait des avances. Il n’en pouvait plus de cette vie. Il n’en pouvait plus de ces gens qui ne comprenaient pas qu’il ne vivait pas du même côte qu’eux.
Il ne savait pas vraiment ce qui l’avait décidé, était-ce ce collègue de bureau et ses blagues scabreuses qui l’avait traîné jusqu’à ce bar en lui tapotant sur l’épaule. Etait cette jeune fille à qui il n’avait pas donné plus de douze ans qui lui avait promis un quart d’heure de bonheur dans les toilettes contre quelques billets.
Le fusil à pompe sur les genoux, il regardait fixement devant lui, le verre de whisky trônant sur la table basse.
Il se leva, posa sur ses épaules son long imperméable de cuir noir et y glissa la boite de cartouche. Le fusil chargé était dissimule sous les pans du vêtement.

Il commença à descendre la côte qui menait de son immeuble à la ville la plus proche. La première personne qu’il rencontra fût un jeune homme d’une vingtaine d’année, jogging, casquette vissée sur la tête. C’est la première fois qu’il rencontrait Vincent et pourtant il le tutoya.
-eh, t’aurais pas une cigarette ?
Vincent releva la tête, il lui sourit, peut être pour la première fois de sa vie, il ne savait plus.
Il leva son arme vers le visage du jeune et tira avant que ce dernier eu le temps de réagir.


Le journal mentionna huit victimes. Le forcené fût décrit par ses voisins comme un garçon gentil et discret. A la grande déception des journalistes, ils ne trouvèrent ni jeux de rôle, ni exemplaire de « MEIN KÄMPF » dans son appartement. Il était juste un prédateur qui avait éliminé huit tares de la surface de la planète avant d’en finir avec ce monde inadapté pour lui.
Le monde l’oublia vite, lui et son massacre dans cette insignifiante petite ville de banlieue.
Seule Carol frissonna quand elle revit son visage, des années plus tard, en première page du journal.

Stéphane Jeanrenaud

08/05/2002
23h59