jeudi, mai 25, 2006

Kodomo no yume 6eme partie 17 mars 2006



Vendredi 17 mars 2006, dernier jour de stage, ça sentait la fin, ça puait le sapin (Proverbe d’infirmier). Une douce mélancolie s’était emparée de moi. C’était la dernière fois que je prenais le métro de Tokyo aux heures de pointe pour le boulot, les derniers coups d’épaule dans le salary man, la fin d’une expérience professionnelle sans précédent pour moi.

Il faisait beau temps, j’avais peur de finir mon séjour sous des trombes d’eau. J’ai traîné sur le site du lycée à Ryuhoku, j’ai confirmé mon rendez vous avec le proviseur et je suis parti bien en avance pour voir le directeur du primaire.

Quand je suis arrivé à Iidabashi, le quartier où se trouve le site du primaire (Fujimi), il faisait même un beau soleil. Je suis allé à la poste, j’ai toujours pas compris où commençait la file et j’ai certainement dû griller quelqu’un mais bon mes cartes postales sont parties et c’était déjà pas mal.

Pour déjeuner je suis repassé par mon café préféré, le « Cat’s eye » en plus classe dont j’avais déjà parlé. Je me suis assis sur mon siège, à ma place au comptoir (la même que la dernière fois quoi…) et j’ai demandé ce qu’ils avaient pour déjeuner. La patronne m’a regardé et m’a demandé : « Vous mangez du Tonkatsu ? » (C’est des tranches de porc pané). J’ai répondu qu’il n’y avait pas de problème.



Elle m’a alors servi un Tonkatsu bento. Une boite de bois avec des compartiments contenant de la salade, du riz, des petits légumes vinaigrés et une bonne tranche de Tonkatsu.
La viande était bien grillée à l’extérieur mais très fondante au cœur, un régal. J’ai terminé le repas sur un délicieux café fait maison.
La patronne m’a félicité sur ma maîtrise des baguettes…Ils ne savent pas qu’il y a des restaurants japonais dans Paris où je fais tout simplement partie des meubles…

Elle m’a demandé si je travaillais au lycée français, on a discuté de mon boulot c’étais sympa. (Même si c’est pas évident d’expliquer mon job en japonais dans la mesure où il n’y a pas d’équivalent au Japon).

Je suis ensuite parti pour ma balader à Iidabashi, me balader dans les boutiques de CD et admirer un peu le paysage.




Quand je suis revenu devant Fujimi, j’avais encore du temps alors je suis allé m’asseoir dans le jardin d’enfant en face de l’école. M’asseoir dans un jardin d’enfant perdu dans mes pensées...encore un cliché assouvis. Dans combien d’animés, de tokusatsu ou de drama avais je vu cette scène. (Dans kimagure, city hunter, kamen rider, Tokyo love story, etc…encore un rêve d’ado qui revenait à la surface.)

J’ai été reçu par le directeur de Fujimi juste avant l’arrivée d’un groupe de musique local, au dehors j’entendais les enfants qui jouaient dans la cour, une ambiance de kermesse. Le directeur lui-même était fort sympathique avec son accent du sud ouest, à la fin de notre entretien, je fus même invité à assister au concert. J’ai dû refuser à regret car je n’avais plus le temps.

De retour à Ryuhoku, j’ai eu mon ultime rendez vous avec le proviseur. Toujours la grande classe. Notre entretien fut bref mais carré et me fit une magnifique conclusion pour mon rapport.
J’ai salué tout le monde et c’est avec un petit pincement au cœur que je quittais le lycée franco-japonais de Tokyo.





Je suis rentré chez moi pour prendre une douche et me mettre plus à l’aise (jean, etc.…) et je suis parti me balader.
Direction Harajuku, le quartier des jeunes, en plus il paraît que le magasin d’occasion Book-Off est une mine d’or là-bas.
Il n’y a pas de drogue au Japon...ok...en tout cas à la gare de Harajuku, ça pue le shit, ça prend au nez dès qu’on sort de la gare. Pour bien me montrer que je ne rêvais pas, c’est le seul endroit au Japon où j’ai vu des affiches sur les murs avec marqué dessus : « La drogue : C’est pas bien ! ».



J’ai donc commencé par essayer de me repérer sur une passerelle pour voir le Book-Off de loin…je l’ai jamais trouvé…
Alors Harajuku c’est le coin hype de la jeunesse branchée : alors la mode en mars pour les filles c’était le costume noir avec un tailleur de la même couleur, un chapeau légèrement penché sur le coté et de grandes lunettes fumées.





J’ai pris la grande rue Omotesandou jusqu’à Aoyama.



Omotesandou, c’est un peu comme les champs Elysées, c’est une grande avenue bordée d’arbres avec des boutiques de luxe tout au long.
Au détour d’un grand immeuble constellé d’écrans géants, on tombe parfois sur un petit temple planqué dans le noir, si peu éclairé qu’il m’a été impossible de le prendre en photo mais la fracture des 2 univers est assez saisissante.

Sur le chemin, j’ai eu le plaisir de voir un vieux visage connu sur un panneau publicitaire.



Vantant les propriétés de power up d’une bière, le visage de Takahashi Meijin souriait sur une grande affiche jaune.
Qui est Takahashi Meijin ?
Bande d’incultes !!!
C’était le Monsieur Jeux Vidéos des années 80. Le champion de Star Soldier. La figure de proue de Hudson soft……le premier pro gamer !
Le jeu Adventure Island sorti en occident a pour nom japonais : Takahashi Meijin no boken jima. En gros, c’étais le mec le plus connu du monde des jeux vidéos à l’époque des consoles 8 / 16 bits et il a disparu à l’époque de la playstation. Je me demandais justement ce qu’il devenait à l’époque où j’ai vu cette pub.




Arrivé à Aoyama, j’ai décidé de rebrousser chemin jusqu’à Harajuku pour enfin trouver le Book-Off. Je ne sais pas comment j’ai fait, à quel mauvais moment j’ai tourné mais je me suis retrouvé à la gare de Shibuya.



Pas cool, j’avais promis à Kyoko de visiter Shibuya avec elle. J’ai juste jeté un coup d’œil à la place de Hachiko pour ne pas me perdre le lendemain et j’ai repris le chemin de Asakusa.

Asakusa, 23 heures, un de mes derniers soirs. J’allais pas rentrer me coucher, merde, c’était la St Patrick. J’avais repéré une petit vendeur de Ramen ambulant, comme ceux des animés, encore un cliché à essayer mais je n’avais que des billets de 10 000 yens, donc il fallait que fasse de la monnaie. Je me suis donc promené dans les galeries marchandes. Comme dans le jeu « Shin megami Tensei », les rues commerçantes sont couvertes par un toit translucide placé entre les 2 immeubles. Toutes les galeries marchandes sont donc couvertes. Des néons éclairent le tout d’une lumière crue. Tous les commerces étaient fermés et des lignées entières de SDF dormaient sur leurs cartons. Les rues vides résonnent beaucoup et c’est au bruit de leurs geta (sandales en bois) claquant sur le sol que j’ai croisé 2 Maïkos, des apprenties geishas, tout en costume et en maquillage. Cette brève rencontre fut totalement intemporelle, je n’ai pas pris de photo, ç’ aurait été une faute de goût.

Ce genre de rencontre vous laisse une impression bizarre, à cet endroit, à cette heure l’impression d’illusion est forte. C’est à ce moment là que j’ai entendu les Beatles.




Invisible en pleine journée car dès que la porte est fermée, l’entrée est complètement cachée, le RED SHOES LIVE BAR apparaît la nuit comme le vidéo club gokuraku dans « Video Girl Aï ».
Une table avec une TV diffusait les standards des Beatles, une affiche qui annonçait les concerts live. J’ai prudemment descendu les marches pour jeter un coup d’œil dans le bar. Comme mu par un 6eme sens le patron est sorti à ce moment là, m’a fait un grand sourire, m’a chopé par le bras et m’a embarqué au RED SHOES.

Où étais-je ? Un groupe composé d’une chanteuse, un clavier, un guitariste et un batteur jouait Imagine de Lennon. Au fond, le bar avec sa serveuse et son serveur. Et, à une table, un groupe de types d’une cinquantaine d’année en costume qui discutait en buvant. Dans le bouquin de Kitano sur Asakusa, il décrivait, les cabarets, les SDF, les Geishas mais aussi les Yakuzas…
Le patron a fait bouger un des types en costar pour que je puisse m’asseoir au comptoir. Moi dans ma tête je me disais : « Non, ça va, on va pas les déranger…..on sait jamais. ».
Au comptoir, on m’a filé la carte et le listing des request songs. J’ai commandé un gin fizz (Je cherche toujours le gin…) et j’ai écouté le groupe.

La serveuse m’a demandé d’où je venais, je lui ai répondu mais comme le groupe jouait fort, elle a fait le tour du bar et elle est venue se coller à moi….
A ce moment là, j’ai pensé « Mon gars, t’es un occidental isolé en Asie, si elle te parle de fric ou si elle est plus explicite, tu pose le billet de 10 000 yens sur la table et tu te barres vite fait vers la sortie». Je ne savais pas encore dans quel type d’endroit j’étais tombé. Elle me parlait avec une voix traînante en essayant d’avoir l’ai kawaï.
- « Tu t’appelles comment ? »
- « Stéphane. »
- « Moi, c’est Ayumi, t’as quel age ? »
- « 30 ans. »
- « J’ai 24 ans………Dis, tu as une petite amie ? (Cash !!) »
- « Bah, j’ai une femme et un petit garçon de 10 ans. »

On a continué à discuter ainsi quelques instants, puis elle est repartie de l’autre coté du bar…
C’était une fille gentille, un peu nunuche qui se fait charrier par tous les habitués et par le serveur. A un moment elle a servi la table des cinquantenaires et l’un d’eux lui a fait en me montrant : « Hé Ayumi ! C’est ton nouveau petit copain ? » Elle a répondu : « Bah, je pensais, mais il est marié. »…
Elle m’a laissé tranquille le reste de la soirée, me demandant de temps en temps si j’allais bien mais elle a quand même réussi à me balancer à un moment que je ressemblais à Kieffer Sutherland dans le film Stand by me... On peut se refaire l’intégrale de la filmographie de Sutherland, je ne pense pas qu’il y ai un film où je lui ressemble….Mais bon, d’un point de vue asiatique, nous autres les blancs, on se ressemble tous…

Sinon, la soirée fut géniale, le patron m’a présenté à tous ses clients, je devais être le 2eme occidental à rentrer dans le bar, j’étais un peu l’attraction de la soirée.
Un client, Yoichi, quand il a appris que j’étais français, a appelé sa belle sœur en France pour me la passer au téléphone, il m’a joué stairway to heaven à la guitare et il m’a embarqué pour chanter Honesty de Billy Joel sur scène. Je lui ai dit que je connaissais pas les paroles, il m’a dit que c’était pas grave, ce fut un massacre, au moins, on a bien fait marrer le groupe.



Il m’a fait goûter le Shochu, un saké très sympa au goût. Ce fut une soirée de folie, j’ai discuté avec plein de gens sympas. Les japonais ont l’air hyper froid au premier abord, mais dès qu’il y a un contact, ce sont des gens vraiment chaleureux. Yoichi m’a dit que le quartier y était aussi pour quelque chose, « D’où que tu viennes, Asakusa ressemble toujours un peu à un chez soi. ».

Je suis reparti à 1 heure du matin après avoir été salué par tous les clients du bar.